27/04/2016

La terre promise des entrepreneurs argentins


Séduits par une économie en pleine croissance, les investisseurs sont de plus en plus nombreux à miser sur ce petit pays du Mercosur.


La boutique de vêtement Kevingston est située juste en face de celle de Jazmín Chebar, au-dessus des magasins Vitamina, Wanama et Cheeky. Il suffit de traverser l’allée pour aller manger une pizza mozzarella à La Guitarrita puis une glace chez Freddo ou boire un café noisette chez Havanna. Si ce n’était la présence des boutiques GAP et Carolina Herrera, on pourrait se croire à Buenos Aires, mais il s’agit en réalité du Shopping del Sol, le centre commercial le plus traditionnel d’Asunción.

L’invasion des enseignes argentines ne se limite pas à ce centre commercial. On peut en effet retrouver des dizaines de produits et de créations argentines dans toutes les zones commerciales de la capitale. En raison de son climat d’affaires favorable, de sa forte croissance économique, de son taux d’inflation presque nul et de sa faible pression fiscale (le taux d’imposition des sociétés est de seulement 10 %), le Paraguay est devenu une sorte de terre pro- mise pour les investisseurs argentins. Sa proximité le rend aussi très attractif.

Le pays peut par ailleurs se targuer d’afficher les meilleurs indicateurs macroéconomiques de la région. Pendant une décennie, le PIB a enregistré une croissance annuelle moyenne de 5,5 %. L’inflation s’est établie à 3,3 % pour l’ensemble de l’année 2015, soit moins que la hausse enregistrée en Argentine lors de n’importe quel mois récent. Le Paraguay affiche également une bonne santé fiscale : il a réussi à maintenir un excédent fiscal pendant huit années consécutives et les réserves dont il dispose couvrent presque 100 % de la dette publique. Cela est largement dû aux recettes agricoles engrangées par l’Etat : le pays est aujourd’hui le quatrième producteur mondial de soja et il se classe au huitième rang des exportateurs de viande bovine, dépassant l’Argentine.

Le petit pays d’Amérique du Sud est une destination de plus en plus attrayante pour les entrepreneurs et investisseurs argentins. Ces derniers mettent peu à peu de côté les préjugés qu’ils pouvaient avoir sur l’économie du plus petit membre du Mercosur.

Exemple, Alejandro Conti, arrivé au Paraguay en 2003. Il a d’abord travaillé pendant six ans comme directeur général de la compagnie pétrolière Esso avant de quitter la multinationale pour développer son propre projet dans le domaine de la gastronomie. Il possède aujourd’hui quatre restaurants – trois franchises de la chaîne nord-américaine TG Friday’s et une autre de La Guitarrita, une pizzeria de Buenos Aires – et cinq glaciers Freddo. “Il y a des avantages et des inconvénients à investir et à vivre au Paraguay. D’un côté, il est évident qu’Asunción est beaucoup moins développée que Buenos Aires et que la vie culturelle y est bien moins riche. Mais, d’un autre côté, il s’agit d’un marché rempli d’opportunités où tout reste à faire”, soutient-il. 

Bien accueillis. L’expansion de l’économie paraguayenne s’est en outre traduite par l’apparition d’une classe moyenne ayant un penchant pour les produits argentins. “Les Paraguayens adorent les marques argentines et, contrairement à ce qui se passe parfois sur d’autres marchés voisins comme au Chili ou en Uruguay, il n’y a pas de tensions et ils nous accueillent à bras ouverts”, assure Martín Blanco. Ilyacinqans,ilaouvertune filiale de son cabinet spécialisé dans le marketing et l’image de marque à Asunción. Selon le cabinet spécialisé dans les franchises Estudio Canudas, 72 marques argentines sont actuellement présentes sur le territoire paraguayen, avec 99 boutiques. L’invasion
des marques argentines est particulièrement visible dans les domaines de l’industrie vestimentaire et de la gastronomie, mais on compte aussi quelques entreprises de cosmétique, de peinture, de pyrotechnie et de lavage de voitures.

“Aujourd’hui, 15 % des marques que l’on retrouve dans les centres commerciaux paraguayens sont argentines. [Les Argentins] sont attirés par le faible coût des loyers (la moyenne est de 3 dollars le mètre carré) et une politique fiscale très attractive. La pression fiscale est en effet très faible au Paraguay : c’est quasiment un paradis fiscal pour les entrepreneurs, même s’ils payent des impôts”, explique Carlos Canudas.

La bonne santé économique du pays se traduit également par un boom immobilier dont les Argentins veulent eux aussi profiter. Il y a quelques années, les sièges d’entreprises, les banques et le principales multinationales ont commencé à quitter le centre traditionnel d’Asunción pour aller s’établir dans des zones situées plus près de l’aéroport.

Ainsi, dans certains quartiers il n’est pas rare de voir un ou deux chantiers d’immeubles de bureaux par pâté de maisons. Le secteur hôtelier connaît lui aussi une forte expansion. Pendant plusieurs années, le Sheraton était le seul hôtel international d’Asunción, mais la capitale paraguayenne compte depuis peu un Ibis, un Aloft (autre chaîne appartenant aux propriétaires du Sheraton) et un Dazzler, établissement cinq étoiles du groupe argentin Fën Hoteles. Les centres commerciaux poussent aussi comme des champignons. D’ici quelques mois, un autre méga- centre commercial – Paseo La Galería – devrait en effet ouvrir ses portes à 150 mètres du Shopping del Sol. Le groupe d’investissement guatémaltèque à l’origine du projet a annoncé son intention de faire venir dans le pays des marques internationales qui n’y sont pas encore présentes, notamment l’espagnole Zara.

Le miracle paraguayen a également entraîné l’apparition d’un marché pour les résidences de luxe, qui, bien que petit, est relativement vigoureux. Le développeur immobilier Fortune International Group, de l’Argentin Edgardo de Fortuna, est le fer de lance du mouvement. L’entreprise vient tout juste d’annoncer un investissement de 90 millions de dollars pour la construction de trois tours de logements dans l’un des quartiers les plus chics de la capitale paraguayenne. Le prix des logements du projet Jade Asunción oscillera entre 2 000 et 2 500 dollars le mètre carré, ce qui est relativement peu élevé par rapport à ce qui se pratique dans les autres capitales de la région.

Au-delà des chiffres et des attraits indubitables du marché paraguayen, les entrepreneurs locaux et argentins s’entendent sur l’importance des relations person- nelles et des contacts pour faire des affaires à Asunción. Comme l’explique M. Conti : “Tout le monde se connaît au Paraguay ; le réseau a une importance cruciale. Quand je monte dans un avion à Asunción, je salue toujours six ou sept personnes. A quelques différences près, c’est un peu comme quand je vivais dans la banlieue de Buenos Aires et que je prenais un minibus pour aller au centre-ville.”



06/04/2016

Veille


En 2011, une CCI confiait à l’agence Bakasable le développement de cartes afin de tirer profit de la richesse de sa veille. Elle ajoute aujourd’hui un mode rapport, plus facilement exploitable par tout un chacun.


La cartographie est un précieux allié pour Jean-Philippe Vacheron. Il accompagne des projets d’entreprises qui s’inscrivent dans la 3e révolution industrielle, une initiative conjointe de la CCI région Nord de France et du conseil régional lancée en 2012 avec l’appui de l’économiste Jeremy Rifkin. Le conseiller à la CCI navigue parmi des corpus de plusieurs milliers de documents, comme celui lié au stockage de l’énergie, afin d’identifier les tendances, detecter les évolutions technologique, suivre le positionnement des acteurs.
« Notre plateforme cartographique Imaveille alimente des réflexions et notes stratégiques », dit-il. Il peut ensuite effectuer des zooms et produire des états de l’art, comptes-rendus plus factuels, rédigés à partir d’un nombre de sources restreint.

Cela fait quatre ans que la CCI travaille avec l’agence de design interactif Bakasable, dont le logiciel Bakamap vient coiffer son dispositif de veille. Ce dernier s’appuie sur le logiciel d’Altercept pour capturer de l’information sur le web et sur le moteur d’analyse sémantique Tropes. « J’ai privilégié des petits éditeurs, plus accessibles et plus à l’écoute de nos besoins », argumente Jean Dufour, conseiller veille et intelligence économique à la CCI région Nord de France. L’identification des sources et la constitution de dictionnaires nécessitent à chaque fois un long travail préparatoire. Pour les matériaux, l’un des six grands domaines suivis, mille sources ont été recensées et le réseau sémantique, dont la constitution s’est étirée sur six mois, est structuré autours de 300 concepts auxquels sont attachés des synonymes, des variantes orthographiques, des expressions, des formules, des propriétés... Pour exploiter une telle richesse, la cartographie s’est imposée comme une évidence. « Plus que jamais, l’enjeu est de fournir des informations analysées et non brutes », répète Jean Dufour. Une première expérience a été menée avec le logiciel Gephi, mais celui-ci était d’un maniement délicat. En outre, le conseiller veille souhaitait rendre les graphes dynamiques en introduisant une dimension temporelle de façon à apprécier l’évolution de la popularité des concepts, distinguer les émergeants, ceux qui sont en perte de vitesse et ceux qui sont de plus ou moins régulièrement associés. La CCI fut d’ailleurs le premier client de l’agence nantaise, dont le logiciel Bakamap a depuis été adopté par de grands comptes comme Banque Populaire, L’Oréal, Sanofi ou Total.

En dépit de sa simplicité, la plateforme Imaveille ne peut être mise entre toutes les mains. La richesse d’informations qu’elle renferme déstabilise les utilisateurs qui ne sont pas des professionnels de la gestion de l’information. Pour ses clients PME et ETI, la CCI a fait développer un tableau de bord par Bakasable. Il comprend quelques modes de représentation prédéfinis : une courbe de l’évolution de la popularité des concepts, une mappemonde pour plaquer les résultats sur une carte, un mode Tree- map... L’utilisateur peut resserrer la recherche jusqu’à pointer vers les quelques documents les plus pertinents. Jamais à court d’idées, Jean Dufour imagine désormais enregistrer les évolutions des cartes dans des petites animations qu’il prévoit d’inclure dans les rapports. La cartographie n’a pas encore livré tout son potentiel.


02/04/2016

Social listening

Deux nouveaux outils au service des marques


Groupe 361, une agence de communication globale, a développé Opinion Tracker, une solution composée de neuf modules qui analysent le Web pour trouver tout ce qui se dit à propos d’une marque, quels qu’en soient la source (réseaux sociaux, blogs ou plateformes d’avis clients) et le format, image ou texte. Le système peut analyser 25 milliards de pages web par jour, sur plus de 650 millions de sites. Groupe 361 a également noué des partenariats avec des acteurs de la data comme Radian 6. De plus, Opinion Tracker a un accès direct à l’API Facebook et au Firehose Twitter, soit
400 000 tweets quotidiens. La solution est ven- due en Saas, entre 10000 et 15000 € pour une utilisation annuelle (tarif tributaire du volume de données traitées). En parallèle, le cabinet de conseil Rezeano a annoncé en octobre la creation d'Ozae, une plateforme dédié au marketing. Cette dernière scanne en perma- nence les articles publiés sur Internet, que ce soit sur les réseaux sociaux ou sur Google News. Ozae News, un des modules de la plateforme, mesure dans Google News la visibilité d’un nom de domaine, d’un article via son URL, ou d’un cluster (regroupement d’articles effectué auto- matiquement par Google autour d’une théma- tique). Ce système donne aux marques la capa- cité d’anticiper les sujets porteurs et de modifier leurs publications en conséquence. Ozae pro- pose également des rapports paramétrables et des indicateurs spécifiques, comme le “Score Gnews”, qui caractérise la position d’un article sur Google News.

01/04/2016

Des dirigeants d'entreprise prenne des decisions sans informations

De la performance des dirigeants


La performance est au cœur de l’attention et de l’action des dirigeants. Cette performance est d’autant plus difficile à atteindre qu’elle n’est pas absolue, comme beaucoup le croient, mais relative par rapport à la compétition engendrée par les autres acteurs et sujette aux conditions générales du marché.

Dans l’environnement hautement dynamique que nous connaissons, le succès des entreprises est initié au départ à travers des décisions comportant un facteur de risque inhérent au niveau d’incertitude auquel sont confrontés leurs dirigeants, et à l’arrivée ce succès est partiellement façonné par des facteurs échappant au contrôle des dirigeants. Comme l’a très bien démontré Phil Rosenzweig dans son livre « The Halo Effect », la forte performance historique de certaines organisations engendre dans l’esprit des observateurs toute une série de conclusions infondées sur la qualité de son management, de ses produits, de sa culture, etc. Inversement la contre performance soudaine déclenche l’opprobre sur le manque d’innovation, les rigidités organisationnelles ou l’absence d’esprit compétitif.

Cette distorsion dans le recueil et l’analyse des faits a pour autre conséquence de donner naissance à de grandes théories managériales sur les ingrédients dont la combinaison permettrait aux entreprises d’obtenir succès et performance sans coup férir. Force est de reconnaître que le taux de réussite des fusions-acquisitions, des lancements de produits ou des entrées dans de nouveaux marchés restent insensibles à ces recettes miraculeuses, sans parler de l’incapacité récurrente des comités à évaluer à leur juste mesure les principaux programmes d’investissements.

Distorsions psychologiques et manipulations

Alors que doivent faire les dirigeants lorsqu’ils sont confrontés à ces décisions stratégiques et sont conscients du niveau d’incertitude et de risque associé ?

Premièrement reconnaître quels sont les deux principales formes de maux qui affectent les prises de décision stratégique : à savoir les phénomènes de distorsion psychologique « involontaire » dans l’analyse des informations ainsi que la manipulation consciente qui est potentiellement induite par les acteurs impliqués dans le processus de prise de décision.

L’économie comportementale a démontré les biais cognitifs de l’Homo economicus qui n’est donc pas aussi rationnel que les économistes ne le pensaient auparavant. Daniel Kahneman et Vernon Smith en furent récompensés en 2002 par le prix Nobel d’économie.

Les neurosciences confirmèrent que la prise de décision dépendait d’un arbitrage entre un calcul et une émotion, et non pas d’un seul raisonnement plus ou moins informé. Trois biais sont particulièrement présents dans les processus de prise de décision stratégiques : l’excès d’optimisme dans l’estimation des résultats futurs qui conduit à une surévaluation des gains potentiels, l’aversion à la perte qui pousse les décideurs à poursuivre le financement d’investissements douteux, et enfin la surévaluation des capacités propres qui se traduit par une sous estimation des obstacles et des difficultés. 

Les mécanismes de manipulation ont pour but de favoriser certains intérêts en particulier par rapport aux intérêts de l’organisation au sens large. Ceci arrive lorsque, par exemple, certains managers cherchent à privilégier des horizons de retour sur investissement qui correspondent à ceux de leurs postes de responsabilités, ou au contraire cherchent à écarter des opportunités qui ne sont pas compatibles avec leur savoir-faire personnel. Deux autres formes courantes de manipulation plus inconscientes et collectives ont trait à donner la préférence à des dossiers présentés par des champions ayant une forte aura professionnelle ou à chercher l’option qui correspond implicitement à la préférence devinée ou suggérée du « chef ». 

Combinaison gagnante : analyse de données et processus structuré

Concernant les pratiques managériales permettant aux dirigeants de se prémunir contre les effets des distorsions et autres manipulations pouvant intervenir lors de prises de décision stratégiques, le cabinet McKinsey analysa en 2010 plus de 1000 décisions ayant trait aussi bien à des stratégies de développement (produits, géographies, services) que d’équipement en infrastructures ou bien encore des fusion-acquisition ou des changements majeurs d’organisation.

La principale conclusion de cette étude est que la combinaison gagnante fait non seulement appel à des techniques de recueil et d’analyse de données permettant de disposer de la finesse et de la couverture requise en matière d’information, mais qu’elle doit être couplée à une organisation structurée du processus de prise de décision. En effet, un processus structuré mettra en évidence les faiblesses au niveau des informations disponibles et de leurs exploitations, alors que l’analyse des informations, aussi poussée soit-elle, sera sans grand effet sans un processus de prise de décision permettant d’en dégager les conclusions appropriées.

Capacités critiques

A contrario, les dirigeants peuvent, dans certaines situations, faire confiance à leurs intuitions, l’intuition n’étant pas autre chose que la manifestation de l’accumulation d’expériences vécues par le dirigeant. L’apport de l’intelligence économique sur l’analyse des données et les processus de prise de décision stratégique devient importante car elle met en jeu plusieurs capacités critiques au sein de l’entreprise : pour ce faire elle se doit de mettre un œuvre des leviers qui permettent d’intégrer son apport au niveau des pratiques managériales au sein des entreprises. Cet apport au niveau organisationnel a pour effet d’accroître la performance des entreprises. Or ces organisations n’existent qu’à travers les hommes et femmes qui les composent et les dirigent.  C’est en comprenant d’abord le mode de fonctionnement de ces hommes et femmes que l’intelligence économique trouvera ensuite le positionnement et le discours adaptés à leurs situations. Un groupe de projet vient d’être créé à cet effet.