13/12/2017

Un Léonard de Vinci dans les intrigues du Golfe


Un tableau à 450 millions d'euros


Après avoir servi d’arrière-plan à un roman à énigme, Da Vinci Code, l’œuvre de Léonard de Vinci est à l’origine d’un nouveau mystère, sur fond d’intrigues de palais dans le golfe Arabo-Persique: qui a acheté le Salvator Mundi (le «sauveur du monde»)? Cette toile attribuée au maître de la Renaissance, qui représente le Christ tenant une sphère de cristal dans sa main, est devenue à la mi-novembre la peinture la plus chère du monde. Lors d’une vente aux enchères chez Christie’s, à Londres, l’huile sur bois datée d’environ 1500 a atteint la somme mirobolante de 450 millions de dollars, écrasant le précédent record, détenu par Les Femmes d’Alger, de Picasso (179 millions de dollars). Une armada de limiers s’est alors précipitée sur la piste du richissime acquéreur, dont l’identité avait été tenue secrète.

La presse américaine a sorti un nom: Mohammed Ben Salman, dit « MBS », le prince héritier d’Arabie saoudite. S’appuyant sur une source ayant eu accès à un rapport des services de renseignement américain et une autre proche de la transaction, le New York Times et le Wall Street Journal ont affirmé que l’achat a été réalisé par un prince de second rang, Bader Ben Abdullah Ben
Mohammed Ben Farhan Al-Saud, en lien téléphonique avec Christie’s lors de la vente, mais agissant pour le compte de « MBS », dont il est proche.

Ces articles ont fait sourire. Le dauphin a fait de la réforme de la gouvernance saoudienne son port-étendard. C’est en son nom qu’il a imposé des mesures d’austérité, dont des coupes dans les subventions sur l’essence et l’électricité, et qu’il a lancé une purge anticorruption, ayant conduit à l’arrestation de deux cents dignitaires, accusés de détournement de fonds publics. Le numéro deux du
royaume s’affranchirait-il de la rigueur qu’il exige de ses sujets ? Affabulations, répond le gouvernement saoudien, qui a produit vendredi 8 décembre un document présentant le prince Bader comme un intermédiaire mandaté par le département de la culture et du tourisme d’Abou Dhabi. 

La branche du Louvre, ouverte début novembre dans la capitale des Emirats arabes unis, avait annoncé deux jours plus tôt que la peinture à un demi-milliard de dollars ornerait ses murs. Mais cette version ne convainc pas totalement. Interrogée par Reuters, la porte-parole de l’institution émirienne, tout en assurant que celle-ci a «acquis » le chef-d’œuvre, a refusé de confirmer qu’elle l’a « acheté ». Une nuance pas anodine. Selon le Wall Street Journal et le Financial Times, Salvator Mundi aurait bel et bien été payé par «MBS», par le biais du prince Bader, avant d’être offert à Abou Dhabi, dont le régent, Mohamed Ben Zayed, est le mentor du prince héritier saoudien. La thèse du « cadeau d’Etat à Etat » est avancée par les quotidiens économiques, pas totalement certains d’avoir le fin mot de l’histoire. Un imbroglio qui n’aurait pas déplu à Léonard de Vinci, l’homme du sfumato, ce style vaporeux, entremêlant ombre et lumière

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire